Les effets de la « quarantaine hyperconnectée »

Depuis quelques années, Koan Coaching et l’Ecole Française de ProcessWork ont réuni leurs forces pour développer une pratique intégrale et originale d’accompagnement des transformations en général et des entreprises en particulier. L’approche née de ce rapprochement est nommée ProcessWork Coaching du fait qu’elle s’inscrive dans le cadre de référence du ProcessWork d’Arnold Mindell, et que son contenu est approuvé par lui.

D’ailleurs, la première promotion de coachs certifiés à cette approche est en cours, avec la poursuite en septembre 2020 de la deuxième année de formation. Nous aurons l’occasion de communiquer sur ces formations dans un proche avenir.

Pour l’heure, l’objet du présent article est de proposer une contribution du ProcessWork aux réflexions actuelles sur les conséquences psychologiques très particulières[i] de la crise sanitaire que nous traversons. Cette contribution consistera également en une « proposition d’action » pour en soulager les effets. 

En premier lieu, rappelons les 3 types de conflits définis par le ProcessWork en nous attardant sur les liens et les dynamiques entre eux. Il s’agit ainsi :

  1. Des conflits internes
  2. Des conflits relationnels
  3. Des conflits dont le Monde est la source.

Les conflits internes :

Comme leur nom l’indique, ces conflits se jouent à « l’intérieur » des personnes. Cela ressemble à la « dissonance cognitive » de Festinger en psychologie sociale, c’est-à-dire des « tensions internes propres au système de pensées, croyances, émotions et attitudes (cognitions) d’une personne lorsque plusieurs d’entre elles entrent en contradiction l’une avec l’autre. »[ii]

En termes que nous pourrions retrouver dans différentes approches de la psychologie humaniste, le conflit interne est plus simplement décrit comme le conflit entre deux «parties» de soi aux besoins et intentions divergentes.

La caractéristique du conflit interne est enfin l’absence « d’adversaire physique » du conflit. Le conflit interne peut en outre être le résultat d’un conflit externe qu’on n’a pas réussi à résoudre. 

Les conflits relationnels :

Les conflits relationnels sont des conflits nés d’un désaccord plus ou moins exprimé et plus ou moins intense avec un autre. Ces conflits semblent plus facilement identifiables car la cause de l’inconfort ressenti peut être attribué (à tort ou à raison) à une personne incarnée, qu’elle soit vivante ou morte. 

Les conflits avec le Monde :

Nous avons avec ce type de conflits un changement d’échelle majeur qui leur confère les caractéristiques suivantes :

  • Nous n’avons pas ou peu de prise directe sur ces conflits et sur leur résolution 
  • Les informations et les événements du conflit viennent à nous plutôt que l’inverse

Une forme d’impuissance du fait que ce soit un « Big Chunk, » pour paraphraser la PNL, est également souvent ressenti par les personnes en proie à ce type de conflit.

Pour donner quelques exemples de « conflits avec le Monde », on peut citer les conflits armés dans différentes parties du monde, la faim dans le monde, le climat, une démarche organisationnelle ou gouvernementale, etc.

Le lien entre ces trois types de conflits

En premier lieu, il est intéressant de voir le lien entre les conflits internes et les conflits externes car une mauvaise lecture d’un conflit en cours peut le rendre irrésolvable. Par contre « une bonne lecture », ou un changement de catégorie peut permettre une solution « inespérée » 

Exemple 1 : Un conflit interne qui est en fait un conflit relationnel non-résolu et peut-être aussi non-assumé

Le conflit interne est souvent le résultat d’une « méconnaissance »[iii]. En effet, les personnes vivant de tels conflits ont tendance à « ignorer » une partie (un pôle) du problème et finissent ainsi par internaliser le conflit.

Un exemple classique, voire générique de la transformation d’un conflit relationnel en un conflit interne se trouve chez des personnes qui se déclarent « ne pas aimer les conflits » ou « éviter les conflits ». Nous nous rendons compte, au contact de ce type de personnes qu’elles vivent en réalité en état de « conflit interne » permanent. En effet, le « pôle externe » du conflit relationnel, c’est-à-dire « autrui », ne pouvant exister « au dehors » du fait de l’injonction « ne pas aimer les conflits » est comme internalisé. Le « débat » salvateur qui aurait pu avoir lieu avec autrui se transforme en un « dialogue interne », sorte de rumination très coûteuse en énergie, et qui peut brider ou limiter notre capacité d’action externe.

La « résolution » de ce type de conflit est « évidemment » de suivre le chemin inverse en externalisant le problème, ce qui le rend possible à résoudre.

Exemple 2 : Un conflit relationnel sans « partie adverse incarnée » : cas de la Rumeur

Un autre type de conflit interne, intimement « imbriqué » dans un conflit externe est le cas des personnes victimes de rumeurs. En effet, dans ces cas, l’absence de protagoniste incarné va « plonger » la personne dans son monde intérieur (son « non-consensuel ») et internaliser le conflit.

Comme pour l’exemple 1, les voies de salut se trouveront dans l’externalisation du conflit et la reconnaissance des forces opposées en présence.

Cas particulier du Covid-19 :un protagoniste invisible, identifié et très actif

Avec la description que nous venons de faire, où donc classer le Covid-19 ? Comment classer nos ressentis et vécus par rapport à ce virus ?Et comment avoir une action salvatrice pour notre équilibre psychologique ?

Si nous reprenons la crise sanitaire telle que nous l’avons vécue, nous pourrions dire que :

  1. Dans un premier temps, le Covid-19 était un sujet externe et lointain qui a pu être vécu par les plus sensibles d’entre nous comme un conflit avec le monde. Les informations nous arrivant chaque jour ont tout au plus permis de mieux cerner « l’ennemi » : un jour- les pouvoirs publics, un autre- l’OMS, puis les « Big Pharma », etc.
  2. Puis, la propagation du virus, en Italie d’abord puis en France a rendu très concret ce virus avec la mise en place de mesures contraignantes comme la nécessité de distanciation sociale, port de masques et in fine confinement.

Ainsi, nous retrouvons-nous dans une situation tout à fait inédite faite de la combinaison de deux particularités paradoxales :

  • Un confinement qui nous pousse vers la solitude de notre monde intérieur avec son « dialogue interne »
  • Une hyperconnexion via les réseaux sociaux et les chaines d’information continue qui nous abreuvent en permanence d’informations

Ces deux phénomènes couplés que je pourrais nommer « quarantaine hyperconnectée » génère une combinaison tout à fait inédite des types de conflits aux conséquences tout aussi inédites décrites dans différents rapports.

Cette « Quarantaine hyperconnectée » présente ainsi les caractéristiques détonantes et contradictoires suivantes :

  1. Elle nous isole et nous plonge, par le confinement, dans notre « monde intérieur » (notre « non-consensuel ») et dans une internalisation du conflit faute de pôle externe incarné. On retrouve ainsi les mêmes ressorts que le conflit interne né d’une rumeur. 
  2. Dans le même temps, par l’afflux d’informations continues, elle renforce la composante « conflit avec le Monde » et exacerbe une menace fantôme dont la présence médiatique combinée au confinement amplifient un sentiment d’impuissance chez chacun. 

Nous pourrions ainsi résumer que la crise sanitaire que nous vivons génère une double contrainte inédite qui consiste à nous placer dans un conflit relationnel amplifié par les médias et impossible à traiter « relationnellement » et donc in fine intériorisé.

Que faire pour réduire les effets de cette «quarantaine hyperconnectée» ?

Face à cette crise et à cette analyse, il nous a semblé important de rappeler quelques « évidences » lesquelles ont ouvert sur des propositions d’action concrètes.

  1. En premier lieu, pour réduire le conflit interne chez chacun d’entre nous, cette période nous invite à renforcer ou démarrer un Innerwork régulier avec un thérapeute compétent. En effet, si l’externalisation du conflit au sens classique du ProcessWork n’est pas possible faute d’un protagoniste, le travail avec un thérapeute aura le mérite de faire passer du « non-consensuel » au « consensuel » toute l’énergie bloquée et retenue dans ce conflit interne avec toutes les prises de conscience et les croissances qui en découleront.
  2. En second lieu, nous conseillons vivement de réduire le flux d’information qui arrivent jusqu’à vous et rendent le combat « inégal » entre vos ressources de personne confinée et les informations du Monde.
  3. Ensuite, nous encourageons toutes les initiatives visant à sortir de l’isolement et à renforcer échange et partage autour du vécu de chacun. Koan Coaching a été à ce sujet à l’origine de différentes initiatives dont des « universités du partage » que nous vous invitons à reproduire.
  4. Enfin, pour les plus curieux et motivés, nous vous invitons à participer aux processWork Open Forums (sur le modèle de Worldwork ©), proposés par l’Ecole Française de ProcessWork et soutenus par Koan Coaching. Pour les personnes intéressées, rendez-vous sur le site www.koan-coaching.fr

Belkacem Ammiar, Associé Koan Coaching

 


[iii] Le concept des Méconnaissances a été créé par Aaron et Jacqui Schiff au début des années 1970 et approfondi par Ken Mellor et Éric Schiff

 


[ii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Dissonance_cognitive

 

 

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